Tableau 1. Tableau analytique des journaux reproduits par
Le 8 novembre 1860,
Le Pays imprime dans ses pages les résultats des élections présidentielles américaines dont Abraham Lincoln sort gagnant (
Le Pays, 08/11/1861). La victoire du parti républicain de Lincoln, opposé à l’extension de l’esclavage, soulève le Sud esclavagiste qui unifie les partisans de sa cause sous la bannière confédérée. Incapables de résoudre leurs problèmes par des moyens politiques, les deux parties s’affrontent dans un conflit armé qui durera jusqu’en 1865 (Mc Pherson, 1991 : 261).
- 1 Dessaulles occupe le poste de rédacteur en chef du 1er mars 1861 au 24 décembre 1863.
2Abondamment couvert dans la presse américaine, le conflit sera aussi suivi par la presse bas-canadienne. À l’opposé de la presse conservatrice et catholique bas-canadienne qui appuie la cause du Sud (Savard, 1962 : 145),
Le Pays prend parti clairement pour le Nord et s’oppose à la division de la république américaine. Successeur du journal libéral radical
L’Avenir, qui disparaît en 1852,
Le Pays est l’organe de diffusion officieux des « Rouges ». Lorsque la guerre civile éclate aux États-Unis, c’est Antoine-Aimé Dorion, chef du parti libéral (Soulard, 1981), qui est propriétaire du Pays. Au poste de rédacteur en chef, on retrouve Louis-Antoine Dessaulles, un libéral anticlérical familier avec la situation qui prévaut aux États-Unis
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- 2 En se basant sur trois journaux : La Minerve,Les Mélanges religieux etLe Journal de Québec, Denis [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
3Cet article tente d’identifier les différentes sources de renseignement qu’utilise
Le Pays lorsqu’il traite de la guerre civile américaine. Nos résultats se basent sur une recension exhaustive de tout le matériel concernant la guerre civile qui paraît dans le journal
Le Pays du 6 novembre 1860 au 18 avril 1865. Si, à cette époque, les sources directes journalistiques des journaux canadiens sont majoritairement européennes
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], dès le début de la guerre civile, il est clair que les journaux européens ne sont pas la solution pour les rédacteurs canadiens en quête de sources directes, ces derniers se tournent donc vers des sources de renseignement américaines. C’est donc principalement sur l’état des réseaux de communication entre le Québec et les États-Unis que nous nous concentrerons dans cette étude.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]4La retranscription d’information provenant d’autres journaux semble être un phénomène courant à cette époque (Lapointe, 1975 : 517). Les pages du
Payssont remplies d’informations provenant de journaux bas-canadiens qui renseignent le lecteur sur des sujets locaux et nationaux. Il n’est pas rare de voir des transcriptions provenant de feuilles rivales comme
L’Ordre ou des journaux de la ville de Québec. Sur le plan international, c’est le même phénomène qui se produit. Les journalistes du Pays scrutent les journaux américains, européens et canadiens auxquels ils ont accès en quête d’informations de nature à éclairer le lecteur sur le déroulement de la guerre civile. Aussitôt l’information trouvée, elle est retranscrite dans les pages du
Pays.5Dans le but d’identifier les principaux journaux dont
Le Pays fait des reproductions, nous avons illustré sous la forme d’un tableau les principales sources de renseignement imprimés du
Pays (voir page suivante).
6La première remarque concerne les sources imprimées américaines qui constituent le noyau des journaux reproduits par le journal bas-canadien. En effet,
Le Pays utilise très peu de journaux qui proviennent d’Europe ou du reste du Canada lorsqu’il s’agit de traiter de la guerre de Sécession.
Le Payss’approvisionne directement aux États-Unis et ne se sert des journaux européens que pour étoffer son point de vue.
- 3 Horace Greeley vient à Montréal en 1868 appuyer Dessaulles dans sa campagne pour la tolérance relig [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
7
Le Pays utilise en majorité des journaux du Nord et plus particulièrement de la ville de New York. D’une part, il est clair que la proximité géographique est un facteur qui explique la prédominance des journaux de New York. D’autre part, la ville de New York occupe une place dominante dans le domaine de l’information à cette époque. Cela est dû en partie à la présence de journaux d’opinion influents comme
La Tribune de Horace Greeley
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], qui tire à plus de 300 000 exemplaires avant la guerre (Lacour-Gayet, 1957 : 236) et à l’
Associated Pressqui reçoit et diffuse des télégrammes de partout aux États-Unis. La position dominante de la ville américaine dans le domaine de l’information explique peut-être en partie le choix du
Pays. Par ailleurs il est clair que les positions éditoriales claires des journaux de New York en faveur de l’Union, particulièrement celles de
La Tribune qui sont ouvertement républicaines et antiesclavagistes (Starr, 1962 : 9), sont à l’origine de l’intérêt du journal bas-canadien.
8
Tableau 1. Tableau analytique des journaux reproduits par Le Pays dont le contenu porte sur la guerre de Sécession (du 06/11/1860 au 18/04/1865)
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Nous calculons qu’un « article » équivaut au développement d’un thème sur dix lignes et plus.
- 4 Même s’il n’existe pas dans Le Pays de classement clair qui indique la provenance de l’information, [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
9Il n’en demeure pas moins que c’est un journal franco-américain qui alimente le plus
Le Pays.
Le Messager franco-américain de New York est le journal le plus reproduit
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ; il accapare près de la moitié de l’ensemble des articles publiés. Un autre journal franco-américain,
Le Courrier des États-Unis, aussi de New York, est la seconde source en importance. On peut dire que ces deux journaux fournissent la majeure partie des articles sur la guerre civile publiés dans les pages du
Pays ; nous porterons donc une attention toute particulière à ces deux sources de renseignements.
10
Le Pays reproduit donc un grand nombre d’articles d’un journal dont on connaît peu de chose et qui mériterait à lui seul une étude attentive :
Le Messager franco-américain.
Le Messager franco-américain est un journal publié à New York de 1860 à 1883 ; le rédacteur en chef se nomme H. de Mareil. Les fondateurs viennent probablement de France car
Le Messager a deux éditions, l’une pour l’Amérique et l’autre pour la France (Library of Congress).
11Pendant la guerre civile,
Le Pays semble entretenir des relations cordiales avec
Le Messager franco-américain ; il existe en effet une correspondance entre le directeur du
Messager et
Le Pays (« Adresse au roi coton »,
Le Pays, 01/05/1863). Nous croyons que le journal new-yorkais diffuse probablement la même idéologie que
Le Pays car ce dernier en recommande la lecture dans ses pages peu de temps après la guerre civile (
Le Pays, 12/01/1867).
- 5 Il faut souligner que Paul Arpin donne une conférence publique à l’Institut canadien de Montréal en [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
12
Le Courrier des États-Unis est un journal qui a suscité plus d’intérêt chez les spécialistes. Ce journal franco-américain est fondé à New York en 1828 ; le fondateur et premier rédacteur en chef se nomme E. W Hoskin (Belisle, 1911 : 358). Ce dernier signe le Prospectus dans lequel il s’engage à rapporter « tous les faits remarquables qui auront lieu dans le domaine de la politique, des sciences, des arts et de la littérature » (Juneau-Masson, 1975 : 13). L’orientation du journal se précise en 1840 lorsqu’il se décrit comme « l’organe des populations franco-américaines » (
Ibid. : 14).
Le Courrier honore cet objectif de 1841 à 1855 en publiant des lettres de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, qui est alors président de la société littéraire et historique du Québec. Dans ces lettres, Chauveau décrit et analyse les problèmes de la population canadienne-française face aux politiques coloniales anglaises (Hamelin et Poulin, 1981 : 195). Notons que la collaboration de Chauveau mise à part,
Le Courrier des États-Unis restera principalement un journal constitué d’un collage d’articles provenant de la France et des États-Unis. La direction et la rédaction passent de E. W. Hoskin à Frédérick Gaillardet (1838-1848), à Paul Arpin
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] (1848-1853), puis de 1853 à 1870, la direction est assurée par Charles Lasalle et la rédaction par Émile Masseras (Lamonde, 1990 : 16).
13Les rapports que
Le Pays entretient avec
Le Courrier des États-Unis sont antérieurs à la guerre de Sécession, car déjà avant le conflit, le journal bas-canadien reproduit des articles du journal franco-américain. Lorsque la guerre civile éclate,
Le Pays continue de s’approvisionner en articles au
Courrier des États-Unis.
- 6 Le terme « copperhead » est emprunté à un serpent venimeux du même nom et a été employé pendant la [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
14Même si
Le Pays puise de l’information du
Courrier des États-Unis, cela ne l’empêche pas, à l’issue du conflit, d’accuser le journal de New York d’avoir défendu la cause du Sud (
Le Pays, 18/04/1865). D’ailleurs, deux ans plus tard, les accusations du
Pays se précisent lorsque le journal bas-canadien décrit
Le Courrier comme une feuille « tory » et « copperhead
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] » et suggère même que
Le Courrier des États-Unis soit subventionné par le gouvernement du Canada (
Le Pays, 12/02/1867).
Le Pays semble réagir à un article du
Courrier des États-Unis repris par la presse canadienne et qui conseille aux Canadiens de ne pas s’annexer aux États-Unis (Ibid.). Cela dit, il demeure que pendant la guerre civile,
Le Courrier des États-Unis adopte une position antiesclavagiste. Il publie notamment le roman « La Case de l’Oncle Tom » (Kraemer, 1995 : 66), qui est un manifeste contre l’esclavage. La position clairement antiesclavagiste du journal de New York explique peut-être à elle seule la relation qu’entretient
Le Pays avec
Le Courrier des États-Unis.
15Il n’est pas rare que les articles qui sont reproduits du
Courrier des États-Unis et du
Messager franco-américain proviennent en fait d’autres journaux américains.
Le Courrier des États-Unis et
Le Messager franco-américain utilisent eux-mêmes la reproduction d’articles pour garnir leurs propres pages. Par l’entremise de ces deux feuilles franco-américaines,
Le Pays a donc accès à de l’information qui provient de plusieurs autres journaux américains dont le
Mercury de Charleston, le
World de New York, la
Gazette de Little Rock, l’
Enquirer et l’
Examiner de Richmond, le
Standard de Raleigh, le
Cincinnati Commercial, l’
Inquirer de Philadelphie et
Le Journal de Louisville.
16La relation que
Le Pays entretient avec la presse franco-américaine de New York, notamment
Le Messager franco-américain et
Le Courrier des États-Unis, est un aspect qu’il faut souligner. Comment peut-on expliquer l’usage intensif des feuilles franco-américaines ? Peut-être en partie, comme nous venons de le souligner, parce que ces journaux se veulent des « condensés » et que leur lecture permet au
Pays d’avoir accès automatiquement aux autres journaux américains. Ces journaux agissent donc pour
Le Pays comme une agence de presse en regroupant et en diffusant des nouvelles de provenance variée. Par ailleurs, il est possible que les rédacteurs du
Pays préfèrent utiliser les journaux franco-américains car ils n’ont pas à traduire les articles qui sont déjà en français. Il y a lieu de croire que ce sont des raisons pratiques qui ont poussé les rédacteurs du
Pays à utiliser intensivement les journaux franco-américains pendant la guerre de Sécession.
17Nous n’avons pas trouvé d’indications explicites qui pourraient indiquer de quelle manière
Le Pays avait accès aux sources imprimées qu’il utilisait. Par contre, la quantité d’articles qui sont repris du
Messager franco-américain et du
Courrier des États-Unis nous laisse supposer que
Le Pays avait un accès continu à ces deux journaux : était-il abonné à ceux-ci ? Nous savons que
Le Courrier des États-Unis avait un agent à Montréal qui était E.R. Fabre et Cie. Celui-ci était chargé de la distribution en plus de vendre des abonnements et de percevoir l’argent pour son territoire. Si
Le Pays n’était pas abonné aux journaux, il pouvait les consulter grâce à l’Institut canadien de Montréal qui possédait une salle de journaux. En effet, l’Institut canadien offrait certains journaux américains tels que
Le Courrier des États-Unis, le
New York Herald et le
New York Tribune (Lamonde, 1990 : 22). Nous savons par ailleurs que
Le Paysrecevait directement certains journaux du Sud par la poste (Juneau-Masson, 1975 : 18). Ainsi le 14 janvier 1862,
Le Pays annonce la réception de journaux de Richmond, notamment le
Richmond Whig. Le 17 novembre 1864,
Le Paysannonce dans ses pages la réception de
L’Écho français de la Louisiane.
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- 7 La guerre civile marque la réorganisation de toute l’industrie télégraphique américaine qui compte[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
18
Le Pays reçoit beaucoup d’informations sur la guerre civile grâce aux dépêches télégraphiques qui lui parviennent des États-Unis. Le télégraphe est alors en pleine expansion aux États-Unis et se révélera très utile lors de la guerre civile
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Ces dépêches amènent des informations beaucoup plus fraîches que celles qui sont reproduites dans les journaux. Normalement les dépêches datent de deux jours alors que pour les articles la moyenne est de quatre jours. Certaines dépêches peuvent être reproduites dès leur réception alors que d’autres nécessitent un temps de traduction plus long.
- 8 La guerre civile marque l’éclosion du journalisme de terrain aux États-Unis. Les « reporters » s’em[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
19Il est difficile d’identifier la provenance de toutes les dépêches que
Le Payspublie, celles-ci étant souvent regroupées sous une seule rubrique intitulée : « dépêches télégraphiques ». Par ailleurs, il arrive que l’origine de la dépêche apparaisse dans les pages du
Pays. Lorsque cela se produit, il s’agit le plus souvent de dépêches envoyées par les reporters américains qui transmettent à leurs journaux respectifs les dernières nouvelles du champ de bataille
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20Les auteurs de ces dépêches ne sont pas connus, seule l’origine de la dépêche est retranscrite dans
Le Pays (24/04/1862). Les origines sont nombreuses : on indique soit des villes : Beauport, Memphis, Charleston, Baltimore, Richmond, soit des États : Arkansas, Nebraska, Floride, etc. On note que grâce au télégraphe,
Le Pays couvre véritablement l’ensemble du théâtre des opérations de la guerre.
21Un autre type de dépêches télégraphiques parvient jusqu’au
Pays. Ce type de dépêche se distingue des dépêches plus « anonymes » provenant des reporters américains. Il s’agit en fait de transmissions qui ont lieu entre les généraux de l’armée de l’Union et les instances gouvernementales à Washington. Ces dépêches sont la plupart du temps envoyées à partir du quartier général de l’armée du Potomac (
Le Pays, 06/05/1862) et sont reçues par le secrétaire de la guerre (
Le Pays, 29/04/1862). Le télégraphe achemine aussi au
Pays les discours prononcés par le président Lincoln à Washington (
Le Pays, 22/07/1861). Il faut noter que
Le Pays n’hésitera pas non plus à retranscrire les allocutions de Jefferson Davis au congrès de Richmond (
Le Pays, 06/03/1862).
22Il est possible pour
Le Pays de recevoir des dépêches qui proviennent des États-Unis car les réseaux télégraphiques canadiens et américains sont unifiés à cette époque. En effet, en 1849 la
Montreal and Troy Telegraph Company relie Montréal et Troy dans l’État de New York. Peu après, la
Vermont and Boston Telegraph Company relie Montréal à Rouse’s Point et à Ogdensburg (Rens, 1993 : 17).
23Une autre compagnie importante, la
Montreal Telegraph Company, est bien placée pour transmettre les nouvelles américaines à Montréal, car dès 1858 elle signe un accord de coopération avec la grande compagnie américaine du Nord, la
Western Union. À cette époque, les réseaux des deux compagnies sont en contact à Whitehall, Oswego, Buffalo et Détroit (
Ibid. : 18).
24C’est de la
Montreal Telegraph Company que
Le Pays reçoit une partie de ses télégrammes sur la guerre civile. Cependant, les rédacteurs du journal n’hésitent pas à se tourner vers d’autres compagnies lorsque les dépêches de la
Montreal Telegraph ne répondent pas à leurs attentes :
Citation: |
Nous croyons juste de dire que cette dépêche nous est arrivée par la ligne de la compagnie Vermont and Boston, dont les rapports télégraphiques en ce qui regarde les événements américains contiennent beaucoup plus de détails intéressants que ceux fournis par la ligne télégraphique de Montréal, qui semble s’évertuer à rapporter à la presse de ce côté des lignes les nouvelles les plus insignifiantes en ayant le soin systématique d’omettre celles qui ont un caractère d’intérêt général… (Le Pays, 14/09/1861).
|
25Malgré ces critiques, Le Pays continuera de publier les dépêches de la Montreal Telegraph Company (Le Pays, 12/10/1861). À la fin de la guerre civile, nous savons que le journal sera l’un des rares à encourager une petite compagnie canadienne, la People Telegraph (le télégraphe du peuple), peut-être en guise de représailles envers la Montreal Telegraph pour la mauvaise qualité de ses dépêches durant la guerre (Lapointe, 1975 : 529).
26Malgré certains problèmes reliés à la fiabilité des informations qui circulent par le télégraphe, problèmes dont nous discuterons plus loin, il n’en demeure pas moins que le télégraphe se révèle un outil très utile pour Le Pays pour suivre en détail le développement de la guerre américaine.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Les correspondances particulières27Le Pays a la chance de recevoir des correspondances qui proviennent des États-Unis. Ces correspondances sont des sources privilégiées d’information pour le journal, aspect que Le Pays n’hésite pas à faire ressortir en les publiant sous le titre de « correspondance particulière du Pays ». Ces correspondances se veulent un mélange de contenu informationnel et d’opinions sur la poursuite de la guerre ; la plupart du temps, elles font le point sur la situation qui prévaut à Washington (Le Pays, 28/12/1862).
- 9 Le 18 novembre 1862,Le Pays annonce une nouvelle correspondance qui lui vient de Washington, l’aut [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
28Qui est l’auteur de ces correspondances ? Nous savons que Le Pays a un correspondant officiel aux États-Unis en la personne de George Batchelor (de La Garde, 1977 : 540). Cofondateur de l’Institut canadien et co-fondateur et collaborateur au journal québécois L’Avenir (Ibid.), Batchelor possède donc une expérience journalistique qu’il met à profit pour Le Pays pendant la période de la guerre de Sécession. Le 18 novembre 1862, Le Pays reçoit sa première correspondance de New York. Les correspondances ultérieures viendront en majeure partie de Washington. Nous croyons que Le Pays n’a eu qu’un seul correspondant régulier bien que le journal reçoive à l’occasion des correspondances provenant d’autres personnes
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]9.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Les conférences publiques29Le Pays exploite une autre source : les conférences publiques faites à Montréal. À cette époque, des associations comme l’Institut canadien, l’Institut canadien-français ou le cabinet de lecture paroissial organisent des « lectures » publiques ou « conférences » publiques sur différents sujets : l’histoire, la littérature, l’actualité. Ces conférences sont faites par des étudiants, des médecins et des journalistes qui deviennent « essayistes » pour l’occasion (Lamonde, 1990 : 89).
- 10 Le Phare ne dure pas et dès 1853 Masseras se rallie au Courrier des États-Unis et devient son rédac [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
30Dans le cas des conférences sur la guerre de Sécession, ce sont des discours faits par des sympathisants du Nord ou du Sud qui tentent de convaincre l’auditoire canadien de la justesse de leur cause. Dès le 19 octobre 1861, Le Pays fait la transcription d’une conférence publique faite à Montréal par M. Emile Masseras, qui est nul autre que l’instigateur du Phare de New York et le rédacteur en chef du Courrier des États-Unis (Le Pays, 19/10/1861)
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]10. Invité par l’Institut canadien-français de Montréal, Émile Masseras vient à Montréal où il fait trois conférences publiques du 19 octobre au 25 octobre 1861. Présentés comme une « analyse objective et impartiale des événements américains » (Le Pays, 19/10/1861), des extraits de ces conférences sont reproduits dans Le Pays (Le Pays, 26/10/1861).
- 11 Leurs conférences donneront un livre publié en 1867 : États-Unis d’Amérique : histoire de la guerre [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
31Deux journalistes français familiers avec les États-Unis donnent des conférences favorables au Nord à Montréal en 1863 : il s’agit de Louis Cortambert et de Fernand de Tranalte
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]11. Ce dernier occupera le poste de rédacteur en chef auCourrier des États-Unis en 1888 (Juneau-Masson, 1975 : 16). Le Pays reproduit une conférence de Louis Cortambert intitulée « La guerre américaine », donnée à l’Institut canadien de Montréal le 6 novembre 1863 (Le Pays, 10/10/1863). Ce discours, résolument pro-nord, fustige l’oligarchie du « roi coton » (Cortambert, 1863 : 8) et sera par la suite imprimé aux presses du Pays.
32À partir du 19 janvier 1865, Le Pays fait la transcription d’une suite de conférences publiques données par Louis-Antoine Dessaulles à l’Institut canadien de Montréal et intitulées « La guerre américaine : son origine et ses vraies causes ». Dessaulles, alors président de l’Institut canadien de Montréal (Lamonde, 1994 : 354), est un admirateur de la république américaine et se réjouit de la victoire du Nord. En plus de paraître dans Le Pays, ses conférences seront disponibles sous forme de brochure et vendues six sous (Le Pays, 18/02/1865).
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Les textes originaux33Les rédacteurs du Pays produisent aussi des textes originaux sur la guerre. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, Le Pays ne cache pas ses sympathies pour la cause du Nord ; ainsi, ses rédacteurs n’hésitent pas à préciser leurs points de vue dans des textes originaux où s’entremêlent analyses élaborées et prises de positions claires. C’est dans ces textes qu’on peut appeler « éditoriaux » que les rédacteurs du Pays exposent le plus clairement leurs points de vue sur la guerre. Il faut préciser que Le Pays produit un nombre réduit d’articles de ce type (une quinzaine sur 4 ans), préférant plutôt emprunter aux feuilles pro-nord américaines des textes qui reflètent sa position idéologique. Néanmoins, ces textes ont une grande importance lorsqu’il est temps de définir clairement la position du Pays car ils proviennent directement du journal. Ils nous seront d’une grande utilité lorsque, dans une prochaine partie, nous présenterons la position du Pays.34Il est difficile d’établir qui rédige ces textes car ces articles ne sont pas signés. Il semble que l’anonymat soit une pratique courante à cette époque, et qu’il soit justifié par l’idée que le texte doit se soutenir lui-même sans s’appuyer sur l’autorité de l’auteur (Hamelin et Beaulieu, 1966 : 314).
35Conséquemment, l’on ne peut que formuler des hypothèses sur les auteurs de ces textes. Nous croyons pour notre part que Louis-Antoine Dessaulles est l’auteur de la majeure partie de ceux-ci. En effet, Dessaulles est rédacteur en chef au Pays du premier mars 1861 au 24 décembre 1863, période pendant laquelle paraît la majeure partie des « éditoriaux » sur la guerre civile (treize sur un total de quinze). Le rédacteur en chef étant responsable des « éditoriaux », il est plausible que Dessaulles soit à l’origine des textes sur la guerre de Sécession.
36D’ailleurs, Dessaulles est bien placé pour traiter des questions américaines, puisqu’il porte depuis plusieurs années un grand intérêt aux questions qui touchent de près ou de loin à l’activité de la république voisine. Dès juin 1838, il a l’occasion de visiter les États-Unis ; il se rend entre autres à Albany, à Philadelphie et à New York apprécier les nouvelles technologies et s’abreuver de culture américaine (Lamonde, 1994 : 33).
- 12 Cochin publiera par ailleurs d’autres ouvrages sur la période, notamment Results of emancipation (1 [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
37Les connaissances de Dessaulles dépassent la seule fascination et les appréciations superficielles. En effet, Dessaulles est très bien informé sur les problèmes politiques et sociaux américains. Il a particulièrement fouillé la question brûlante de l’esclavage. Dessaulles a consulté la presse américaine abolitionniste du Nord, principalement l’
Evening Post et le
New York Tribune de Horace Greeley ; il a lu aussi la presse sudiste, le
Richmond Republican, le
Charleston Religious Telegraph, le
Raleigh Standard et le
Montgomery Journal(Desaulles, 1865 : 145). Il peut extraire de ces journaux des exemples frappants qui décrivent le sort réservé aux Noirs. Il a parcouru aussi, dans une moindre mesure, la presse française, dont le journal le
Correspondant (
Ibid. : 381). Il a suivi les débats du Congrès américain sur la question de l’esclavage, notamment les discours de Charles Sumner intitulés «
Barbarism of Slavery » (
Ibid. : 489). Il a examiné les lois civiles des États esclavagistes tels que la Caroline du Nord et la Caroline du Sud pour y dégager toutes les horreurs du « code noir », c’est-à-dire les lois racistes. Il a même consulté les décisions de la Cour Suprême des États-Unis dans des cas impliquant des esclaves (
Howard’s Reports) (
Ibid. : 124). Enfin, Dessaulles a lu les principaux livres abolitionnistes américains de l’époque :
American conflict (1864) de Horace Greeley (
Ibid. : 438),
Inside view of slavery : Or a tour among the planters (1855) de G. C Parsons (
Ibid. : 365),
Southern slavery and it’s present aspects (1864) de Daniel R. Goodwin (
Ibid. : 298),
History of the rebellion : It’s authors and causes(1864) de Josuah R. Gidings (
Ibid. : 412), ancien consul des États-Unis à Montréal,
The supressed book of slavery (
Ibid. : 123), qui fut publié en 1864 à New York par la maison Carleton, mais dont l’auteur reste inconnu. Dessaulles a aussi lu des ouvrages sudistes, tels que
Sociology for the South ; or,
The failure of free society (1854) de George Fitzhugh (
Ibid. : 38), l’un des plus ardents défenseurs de la société esclavagiste du Sud. Dessaulles consulte aussi des ouvrages écrits par des Français qui s’intéressent aux questions américaines comme l’
Abolition de l’esclavage (1861) d’Augustin Cochin (
Ibid. : 430)
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] et
De l’esclavage dans ses rapports avec l’Union américaine (1862) d’Auguste Carlier (
Ibid. : 351).
38La matière imprimée sur la guerre de Sécession qui paraît dans le journal
Le Pays provient donc de plusieurs sources : autres journaux, dépêches télégraphiques, correspondances particulières, conférences publiques et textes originaux. La variété et la qualité des sources de renseignements du
Paysdémontrent bien tout le sérieux et l’importance que le journal bas-canadien porte à la guerre civile. Pour un journal montréalais, l’effort qu’il déploie pour diversifier ses sources peut surprendre.
39Les sources du
Pays ont cependant certaines limites ; en effet, très peu d’articles proviennent des journaux du Sud et le choix de favoriser les journaux franco-américains plutôt qu’américains pour les reproductions est discutable. En effet, de quelle manière les journaux franco-américains reflètent-ils mieux la réalité politique américaine ?
40Dans une perspective plus générale, les liens que
Le Pays tisse avec les réseaux d’informations et les journaux américains contribuent à briser l’isolement du journal et favorise un processus de coopération et d’ouverture entre les deux pays. Prenons pour exemple la relation qui s’établit avec
Le Messager franco-américain : serait-elle apparue sans la guerre civile ? Cette question dépasse les limites de notre présentation ; de plus amples recherches seraient nécessaires pour évaluer dans quelle mesure la période de la guerre civile favorisa le développement des communications avec les États-Unis.
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DOI :
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