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 le sud avait il une chance ?

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Général Lawrence Sisco
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Général Lawrence Sisco


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MessageSujet: le sud avait il une chance ?   le sud avait il une chance ? Icon_minitimeDim 10 Mai 2015 - 10:50

le sud avait il une chance ? par Arnaud Bernard 



[size=36]La stratégie confédérée[/size]
[size=36]Le pot de terre contre le pot de fer[/size]
 
Née dans un climat tendu et n'ayant pas pu faire l'expérience de la paix nécessaire au développement d'une nation prospère, la Confédération dut faire face à un ennemi disposant de ressources humaines et matérielles considérables. Créant une armée de toutes pièces, elle su, en dépit de toutes les difficultés, mettre en œuvre une stratégie qui lui permit de résister pendant plus de quatre ans. Si, au bout du compte, la victoire lui échappa, ce fut parce que ce choix, basé sur la défensive, ne pouvait qu'entraîner une guerre longue. Et le temps jouait en faveur du Nord.
Nord contre Sud : les forces en présence
Lorsque le 12 avril 1861, à 4h30 du matin, les batteries confédérées de Charleston (Caroline du Sud) ouvrirent le feu sur Fort Sumter, inaugurant ainsi la guerre de Sécession, chaque protagoniste pensait que ce conflit serait de courte durée et que tout le sang versé pourrait être contenu dans un dé à coudre. Personne ne se doutait alors que cette lutte fratricide allait durer 4 longues années et coûter à l'Amérique plus de 620 000 morts, soit plus que les victimes de toutes les guerres que livrèrent les États-unis mises bout à bout et cela de l'Indépendance à la fin de la Deuxième guerre mondiale. Seuls quelques esprits éclairés comme les généraux Scott, Sherman ou Lee (pour ne citer qu'eux) entrevirent le spectre d'une guerre longue et meurtrière. Mais personne ne les écoutait et Sherman fut traité ouvertement de défaitiste et de fou par ses camarades.
Ces généraux clairvoyants, formés à West Point (dont Lee fut même le surintendant de 1852 à 1855), connaissaient les forces et les faiblesses des belligérants. Sur le papier, le Nord avait l'avantage et pouvait en effet espérer ramener le Sud à la raison dans des délais assez brefs. Avec la quasi-totalité de l'industrie américaine au nord de la ligne Mason-Dixon, les États yankees possédaient une capacité de production d'armement bien supérieure au Sud agricole.
 
La ligne Mason-Dixon
 
En 1820, par le compromis du Missouri fut tracé une ligne imaginaire se situant à 36°30' de latitude nord. Les Etats se trouvant au nord de cette limite étaient dits « libres » puisque ne devant pas posséder d'esclaves. En revanche, ceux du sud restaient esclavagistes. Lors de la crise du Kansas en 1856, cette ligne fut au centre des débats puisque le nouvel Etat se trouvait au sud. Cependant, craignant de voir l'influence politique des Sudistes s'accroître, les Républicains cherchèrent à en faire un Etat « libre » en soumettant son futur statut à au vote de ses habitants. C'est ainsi que commença la « guerre pour le Kansas » qui se poursuivit jusqu'à la fin de la guerre de Sécession et qui se caractérisa par la sauvagerie des partisans des deux camps. L'épisode le plus tristement célèbre reste le sac de la ville de Lawrence par la bande de Quantrill, brigand utilisant son allégeance sudiste pour perpétrer ses méfaits. C'est encore dans le Kansas que l'abolitionniste John Brown (qui fut pendu après a tentative d'insurrection d'esclaves avortée de Virginie en 1859) fit ses premières armes.

De plus, les Nordistes pouvaient se prévaloir d'un réseau de chemin de fer très développé avec plus de 20 000 miles de voies ferrées reliant ses villes d'ouest en est. A contrario, le Sud n'avait que 9 000 miles de rails et des liaisons allaient du nord au sud, ce qui posait problème pour transférer des troupes d'un théâtre d'opérations à un autre. On le verra amplement lorsque Braxton Bragg sera obligé, pour aller du Mississippi dans le Kentucky, de faire transiter ses troupes par Mobile, au bord du Golfe du Mexique ! Enfin et ce n'était pas le moindre des avantages, le Nord avait une population de plus de 24 millions d'habitants contre 8 millions pour le Sud (dont 4 millions d'esclaves qui sont une force de travail certes mais qui n'auront pas le droit de porter les armes avant mars 1865, bien tard pour sauver le Sud). Le seul avantage du Sud résidait finalement dans son coton. Mais nous verrons qu'il ne sut pas l'exploiter à bon escient.
Si le Nord semblait avoir tous les atouts pour écraser rapidement la sécession, la jeune Confédération n'en disposait pas moins d'un avantage précieux : sa tradition militaire. Ce fut en partie ce facteur qui empêcha le Nord de vaincre rapidement et qui faillit même parfois faire triompher les Sudistes. L'autre facteur était la détermination de sa population à repousser ce qu'elle considérait comme une guerre d'invasion et le fait également que la quasi-totalité des combats se déroula sur leur sol, ce qui est toujours un avantage. Ceci permettait aussi bien entendu de bénéficier du soutien des populations se trouvant sur le théâtre des affrontements.
Mais revenons à cette tradition militaire. La plupart des fils de bonnes familles avaient en commun d'avoir fait un passage à l'Académie Militaire de West Point, pépinière des officiers de l'armée américaine. Aussi vit-on nombre d'officiers quitter l'armée régulière pour aller rejoindre leur État après les sécessions successives de l'hiver et du printemps 1861. Pour les autres, la majorité de la population, ils savaient en général monter à cheval et chasser depuis l'enfance. Si cela ne faisait pas un soldat, ce savoir-faire contribua à donner à la Confédération des soldats plus rapidement formés et en particulier une cavalerie qui surclassa sa rivale nordiste jusqu'à l'été 1863. C'est la raison pour laquelle les Sudistes étaient eux aussi persuadé que la guerre ne durerait pas et que les Yankees, « ces soldats de pacotille », s'enfuiraient dès le premier coup de feu.

Les motivations du soldat confédéré
 
S'il est indéniable que l'esclavage a envenimé la vie politique américaine pendant les décennies qui précédèrent la guerre civile et que cette Institution Particulière (comme disaient pudiquement les Sudistes) avait joué un rôle dans le mouvement sécessionniste, il serait faux de croire que ce fut là la motivation première du Sud. En effet, l'administration Lincoln n'entendait pas supprimer l'esclavage mais simplement le limiter en l'excluant des nouveaux territoires. Ce qui bien évidemment aurait eu pour conséquence de le faire disparaître à plus ou moins longue échéance et surtout de limiter l'influence politique des Sudistes au Congrès. L'autre raison principale était le refus de la politique protectionniste des Républicains. Une politique qui aurait privé le Sud (dont les seules richesses étaient le coton, le sucre, le tabac et le chanvre) de ses débouchés commerciaux européens habituels pour réserver sa production à la transformation par les industries du Nord qui se seraient alors empressés de revendre les produits finis dans le Sud. Une sorte de système de l'exclusif colonial à l'Américaine. Et comme une certaine interprétation de la Constitution donnait le droit aux mécontents de « casser » le contrat établi entre les Etats mécontents et Washington…
Ceci dit, il est peu probable que le petit fermier du Sud, qui constituera l'ossature des armées confédérées, se soit battu pour des subtilités économiques qu'il ignorait et qui le touchait généralement très peu voire pas du tout. Certains dirent, courant 1862, que cette guerre était une guerre de riche faite par des pauvres. Le soldat confédéré, s'il ne se battait pas pour des esclaves qu'il ne possédait pas ou pour une économie qu'il ne connaissait pas, avait pris les armes tout simplement parce qu'il considérait que son pays (son Etat, son comté) était menacé d'invasion. Un des exemples les plus flagrant est la réponse que fit un soldat sudiste capturé à son « geôlier » qui lui demandait pourquoi il se battait : « Parce que vous êtes ici ».

C'est donc, comme nous dirions aujourd'hui, « la fleur au fusil » que chacun, au Nord comme au Sud, partit en guerre. Les officiers recruteurs étaient submergés par les engagements, tout le monde craignant d'arriver au front après que tout soit fini.
 
 
1861 : Envahir le Sud, briser la volonté du Nord
 
A Washington, le général en chef, Winfield Scott, vénérable vétéran de la guerre du Mexique que sa surdité naissante rendait quelque peu revêche, élabora un plan d'invasion du Sud axé sur le blocus des côtes confédérées couplé à une pénétration du territoire rebelle en utilisant les grands axes de communication fluviaux (Mississippi, Tennessee, Cumberland). Le blocus devait empêcher le Sud de se ravitailler en armes et asphyxier son économie. Les adversaires de cette stratégie de longue haleine baptisèrent par dérision ce plan le Plan Anaconda, par analogie avec le serpent qui étouffait lentement sa proie avant de la dévorer. Non, décidément, il fallait en finir au plus vite et foncer sur Richmond (la capitale sudiste depuis la sécession de la Virginie en mai 1861, en remplacement de Montgomery dans l'Alabama), ce qui ne manquait pas, pensait-on alors (et on continua à le penser jusqu'en 1864) de faire tomber le gouvernement sudiste et de terminer la guerre. Toutefois, c'est en adoptant, au fil des ans, la stratégie tant dénigrée de Scott que le Nord parviendra à vaincre la Confédération.
A Richmond, tout en étant aussi confiant dans sa force que l'adversaire yankee, le cabinet de Davis réfléchissait à la conduite à tenir et allait mettre en place la stratégie qui sera celle du gouvernement sudiste tout au long de la guerre : « l'offensive défensive », c'est à dire une attitude défensive ponctuée d'actions offensives destinées à user l'adversaire mais sans tentative d'invasion et d'occupation du territoire ennemi. En effet, les Sudistes qui, en faisant sécession, proclamaient leur indépendance, se défendaient de tout esprit de conquête. Davis ne disait-il pas : « Tout ce que nous voulons est qu'on nous laisse tranquille » ? Cette « idéologie » allait, malheureusement pour le Sud, se traduire dans sa stratégie militaire.
Davis refusait d'envahir le Nord. Ayant eu le sentiment (fondé) d'avoir été manœuvré par Lincoln pour tirer le premier sur Sumter, le président confédéré voulait maintenant laisser l'initiative à son adversaire. Le Sud ferait donc la guerre pour défendre l'intégrité de son territoire. Mais pouvait-il faire autrement ? Une invasion du Nord aurait demandé une armée structurée et nombreuse. En effet, on considérait alors, à juste titre, que l'attaquant devait toujours avoir une supériorité numérique d'au moins un pour deux s'il voulait espérer vaincre. Or, cette organisation et cette supériorité, l'armée confédérée ne l'avait pas. D'ailleurs, comment aurait-elle pût l'avoir ? Nouvellement créée, cette armée regroupait alors les milices et les régiments de volontaires des différents Etats sécessionnistes. Le Nord n'était pas mieux loti, bien qu'il disposât du noyau de sa minuscule armée régulière. Les Yankees se cassèrent d'ailleurs les dents dans leur précipitation à passer à l'attaque. Ils furent mis en déroute lors de la 1 ère bataille de Manassas (21 juillet 1861) et perdirent tous les engagements terrestres majeurs de cette première année de guerre.
 
Le seul avantage du Sud résidait dans la qualité de ses cadres pour les raisons que nous avons évoquées plus haut. Ceci lui permit d'être prêt avant son adversaire mais il ne sût pas en profiter et laissa passer sa chance à Manassas. Après la déroute des tuniques bleues, le général virginien Jackson avait assuré à Davis (en visite sur le champ de bataille alors que le canon tonnait encore) qu'avec 10 000 hommes en renfort, il pouvait prendre Washington. Malheureusement pour le Sud, ces hommes n'étaient pas disponibles et l'armée sudiste, encore novice, était aussi désorganisée par la victoire que les Nordistes l'étaient par la défaite. Les historiens ont beaucoup débattu de cette chance manquée et certains y virent la seule chance que les Confédérés eurent jamais de remporter la victoire. En effet, le temps jouait en faveur du Nord puisqu'à partir de la fin de 1862 et du début de 1863, la production industrielle de l'Union commençait à tourner à plein régime et que, parallèlement, le blocus des côtés sudistes devenait efficace.
Quoiqu'il en soit, le Sud ne chercha pas à prendre l'offensive sur un autre théâtre d'opérations et resta fidèle à sa « politique » défensive, espérant user la volonté de combattre des Yankees et les inciter à demander la paix. En cet été 1861, cette stratégie semblait porter ses fruits. Horace Greeley, rédacteur en chef du New York Tribune, esprit versatile ayant applaudi des deux mains à l'appel de Lincoln pour supprimer la rébellion, changea radicalement de ton après Manassas et écrivit au président que « si c'était dans une paix avec les Sudistes que résidait le bien de la Nation, alors il fallait la faire en acceptant toutes leurs conditions ». Bien sûr Lincoln n'en fit rien et resserra le blocus en s'offrant des bases navales sur les côtes sudistes, capturant, fin 1861, des ports en Carolines du Nord et du Sud.
 
 
1862 : Catastrophe à l'ouest
 
Au Sud, Davis devait faire face à deux menaces :
les visées nordistes sur Richmond, la capitale confédérée ;
l'invasion des Etats de l'Ouest
 
Richmond était convoitée par les Nordistes pour deux raisons. La première était symbolique puisqu'elle était le siège du gouvernement ennemi. La deuxième résidait dans le fait que c'était dans cette ville que se trouvaient la Tredegar Iron Works, principale fabrique de métaux de la Confédération, vivier de son armement. Quant aux vues sur les Etats du Mississippi, la présence du fleuve est la réponse. Comme l'avait préconisé Scott, le Nord cherchait à prendre le contrôle des voies navigables qui étaient autant de routes de pénétration en direction du Sud.
L'Union ne pouvait pas encore compter sur son blocus qui laissait passer 80% des forceurs de blocus sudistes. Il faudra attendre fin 1862 pour que les « sorties » confédérées se fassent plus difficiles. C'est afin de rendre ce blocus effectif que le Nord entreprit un effort important dans les constructions navales. Le plus spectaculaire fut sans doute la création de toutes pièces (et en partie financée par des capitaux privés) d'une flottille de canonnières destinée à faciliter la pénétration des armées d'invasion le long des axes fluviaux de communication. Pour faire face, les rebelles n'eurent que deux options (qui sont celles de toutes les marines en situation d'infériorité numérique) : le recours aux corsaires et à l'innovation technologique. Ainsi vit-on la construction des premiers cuirassés (les CSS Virginia, Tennessee, Arkansas, Chicora, Atlanta …) et des premiers sous-marins (les CSS Pioneer, Hunley et dans une moindre mesure, les David qui n'étaient, pour ces derniers, que des demi-submersibles). Mais cela ne suffit pas et si des corsaires comme le CSS Alabama firent perdre plus de 60 navires à la marine marchande yankee (faisant grimper au passage les prix des compagnies d'assurance maritime), la Marine sudiste ne parvint jamais à briser un blocus qui se faisait de plus en plus efficace à mesure que le temps passait.
 
 
Les corsaires sudistes
Face à la mise en place du blocus nordiste, le Sud, qui ne disposait alors que de 13 navires capables de prendre la mer, fit très rapidement appel aux chantiers navals français et surtout anglais. Dépêchant des émissaires en Europe, les Confédérés obtinrent la mise sur cale de nombreux corsaires dont les célèbres CSS Alabama (construit aux chantiers de Birkenhead), CSS Georgia, CSS Tallahassee… Ils ne faisaient que refaire ce que la jeune république américaine avait fait face à la Royal Navy en 1776. Néanmoins, Lincoln décréta que ces corsaires seraient considérés comme des pirates et pendus en cas de capture. Mais fort heureusement, devant la menace de représailles sur des prisonniers nordistes, ces mesures ne furent jamais mises à exécution.
Si les corsaires n'arrivèrent pas à lever le blocus, ils détruisirent une grande partie de la marine marchande nordiste qui mit plusieurs décennies à s'en relever.
 

Après les échecs nordistes à Richmond et dans le Missouri (bataille de Wilson's Creek en août), le théâtre des opérations s'ouvrait donc, début 1862, dans le Tennessee. Au départ, Jefferson Davis privilégia la défensive pure. Il ne viendra à « l'offensive défensive » qu'après l'échec de cette stratégie. Afin de défendre les États situés à l'ouest des Appalaches, les Sudistes comptaient sur la neutralité du Kentucky. En effet, cet État, en refusant de prendre parti, servait ainsi de tampon et raccourcissait considérablement le front que les Confédérés avaient à défendre. Sur le plan diplomatique, Lincoln tentaient approches sur approches pour pousser le Kentucky dans le camp de l'Union. Devant ses échecs répétés, le gouvernement nordiste désespérait. Ce sont les Sudistes qui vont, par leur maladresse, hâter les choses. En effet, le général confédéré Léonidas Polk (un ancien évêque défroqué qui avait troqué son habit sacerdotal contre l'uniforme dès les premiers coups de canons tirés sur Sumter), persuadé que la population du Kentucky n'attendait qu'un mouvement de la part des Sudistes pour rallier leur cause, fit entrer ses troupes dans leur État pour les inviter à le rejoindre. Or, ce geste fut perçu comme une violation de neutralité et le Kentucky bascula dans le camp adverse.
 
Dès lors, les Sudistes allaient devoir défendre un front beaucoup plus étendu, englobant tout le Tennessee. Ils devaient ainsi défendre un front de 800 kilomètres avec moins de 70 000 hommes face à un ennemi qui en alignait une fois et demi ce nombre. Plutôt que de concentrer ces troupes, Davis donna l'ordre à Albert Sidney Johnston, le commandant sudiste de ce théâtre d'opérations (et un grand ami du président), de les répartir le long de points de résistance, matérialisés par des forts situés le long des points de pénétration possibles, au bord des fleuves Tennessee, Cumberland et Mississippi. Ce n'est qu'après la chute de ces forts en février 1862 et la prise de Memphis qui ouvrit le cœur du territoire sudiste à l'invasion, que Davis se rendit compte de son erreur. Il décida alors d'inaugurer une nouvelle stratégie, combinant la défensive et l'offensive. Malheureusement pour les Confédérés, la première opération inspirée par cette stratégie fut un échec. Ainsi la tentative de Johnston de regagner le terrain perdu en concentrant enfin ses troupes fut arrêté à Shiloh en avril.
 
 
L'appel au Vieux Monde

Il y avait dans ce choix une double raison. Tout d'abord, il fallait maintenir le moral de la population en empêchant toute invasion et en gagnant des batailles, tâche toujours plus « aisée » lorsque l'on est à la place du défenseur. Ensuite, la défensive permettait de protéger les ressources du pays nécessaire à l'effort de guerre. Ce choix était également motivé par des facteurs politiques. En effet, en maintenant le plus longtemps ses armées en état de combattre, la Confédération pouvait espérer, en cas de victoires répétées, influer sur les élections nordistes et augmenter les chances d'une reconnaissance par les puissances européennes.
Cette dernière était considérée comme étant la meilleure chance pour le Sud de gagner la guerre. En obtenant la reconnaissance étrangère, la jeune république sudiste pouvait espérer sinon une intervention militaire en sa faveur, tout du moins
une médiation qui mettrait fin aux combats et permettrait d'envisager une solution pacifique devant déboucher sur son indépendance. En ce début 1862, la situation semblait d'ailleurs favorable. En effet, la Grande-Bretagne et surtout la France regardaient d'un œil assez favorable la sécession du Sud. Napoléon III, dont le grand dessein était d'étendre l'influence française sur le continent américain avec l'expédition du Mexique (1862-67) profitait d'avoir en face de lui des États désunis qui ne pourraient pas faire respecter la sacro-sainte Doctrine Monroe. Les Confédérés envoyèrent donc, dès novembre 1861, des émissaires dans ces deux pays (les premiers furent Mason et Slidell). Le blocus même jouait en faveur du Sud puisqu'il était interdit à un pays de bloquer ses propres ports. Le blocus nordiste était donc une reconnaissance implicite de la Confédération même si Lincoln ne voulut jamais l'admettre.
 
Pour s'assurer cette reconnaissance internationale, le Sud comptait sur ce qu'il considérait comme sa meilleure arme : le coton. Le gouvernement sudiste comptait faire pression sur les pays européens en les privant de coton et cessèrent les exportations qu'ils auraient aisément pu faire en raison de la faible efficacité du blocus à cette période de la guerre. Ils commirent là une erreur. La bonne production des années précédant la guerre avait entraîné l'exportation d'énormes quantités de coton vers le Vieux Monde. Tant et si bien qu'en ce début de 1862, l'Angleterre et la France ne ressentaient pas encore le manque. Ce n'est que fin 1862 que la pénurie de cet « or blanc » se fera sentir et entraînera une forte hausse du chômage. Mais à cette époque la situation militaire avait changé.
 
 
Gagner du temps

Le choix de l'offensive défensive fait par les Confédérés permettait aux généraux sudistes de profiter du terrain en mettant en pratique de vastes mouvements tournants. Face à chaque invasion, l'armée sudiste pouvait ainsi contourner l'adversaire, mettre en péril ses lignes de communication et l'obliger à se battre sur le terrain qu'elle avait choisi. Ce qui explique que sur le théâtre de Virginie, le général Lee ait pût manœuvrer ses adversaires si longtemps avec si peu de troupes et remporter tant de victoires puisque l'avantage du terrain lui était à chaque fois acquis. D'ailleurs, il est symptomatique de constater que tant que son armée sera libre de ses mouvements (c'est à dire avant qu'elle ne se laisse enfermer à Petersburg en juin 1864), Lee ne sera mis en échec que lors de ses offensives en territoire nordiste, à Antietam et à Gettysburg, où il n'eut pas le choix du champ de bataille. Ainsi, avec cette orientation stratégique, le Sud pût lancer des contre-attaques tout en profitant du terrain et de la taille de son territoire qui lui permettait d'être hors de vue de l'ennemi lors des mouvements tournants .

La campagne de Jackson dans la vallée de la Shenandoah en mars-juin 1862 en est un parfait exemple. Conçue par Lee (alors conseiller militaire du président) comme une diversion pour relâcher la pression sur l'armée de Johnston qui défendait Richmond, cette expédition allait, en menaçant directement Washington, mobiliser trois armées nordistes. Outre cet exploit (encore étudié à West Point longtemps après), nous pouvons citer les campagnes de Shiloh (avril 1862) et de Chickamauga (septembre 1863). Si elles ne débouchèrent ni l'une ni l'autre sur un triomphe sudiste (bien que Chickamauga ait été une victoire confédérée, la reprise de Chattanooga, qui était l'objectif, ne pût avoir lieu), elles ralentirent chacune considérablement les mouvements offensifs nordistes. L'une en obligeant Halleck (en charge des troupes de l'Union à l'ouest) à reconsidérer la résistance sudiste et à prendre plus de précaution ; l'autre en immobilisant une armée nordiste
dans Chattanooga et en repoussant l'invasion de la Georgie de plus de six mois. C'est d'ailleurs lors de cette campagne de Chickamauga que le Sud sut le mieux profiter du temps et de l'espace. Obligé de reculer face à des mouvements tournants menaçant de le prendre à revers, le sudiste Bragg rétrograda lentement jusqu'au nord de la Georgie et ce en évitant tout affrontement majeur qui aurait pu sérieusement affaiblir son armée. Le temps ainsi gagné permis à Richmond de dépêcher par train le corps de Longstreet (un des subordonnés de Lee) depuis la Virginie. Ainsi renforcé, Bragg pût mettre en œuvre son plan de contre-offensive qu'il caressait depuis près d'un an (depuis l'échec de Murfreesboro en janvier 1863) et mettre l'armée nordiste en déroute. Ce qui eut pour effet de relever le moral sudiste durement éprouvé après la défaite de Gettysburg et la chute de Vicksburg en juillet. Mais pour y arriver, les Confédérés avaient été obligés de troquer de l'espace contre du temps. Or, nombreux sont les historiens qui ont critiqué cette orientation défensive, arguant qu'elle ne faisait que prolonger le conflit et qu'une guerre longue n'a jamais avantagé le camp ayant le moins de ressources.
 
Toutefois, en considérant les moyens dont il disposait, il est permis de se demander si le Sud avait vraiment le choix. Passées les premières heures du conflit et « l'acte manqué » de Manassas, toute tentative contre Washington se serait probablement soldée par un échec au vu des formidables défenses qui y furent érigées dès la fin 1861. Durant l'été 1864, les Sudistes d'Early (détachés dans la Shenandoah par Lee pour amener Grant à relâcher la pression sur Petersburg assiégé et pour secourir Washington menacé, comme lors de la campagne de Jackson dans cette même Shenandoah au printemps 1862) se frottèrent sans succès aux défenses de la capitale nordiste. Quant à une conquête territoriale du Nord, c'était hors de question et pas seulement pour des raisons idéologiques (« Tout ce que nous voulons est qu'on nous laisse tranquille »). Le manque de logistique et d'hommes aurait fait défaut à la Confédération qui ne pût aligner, en quatre années de guerre qu'environ 900 000 hommes contre plus de 2,5 millions pour le Nord. Il ne restait plus qu'à résister le temps nécessaire pour que l'ennemi, de guerre lasse, demande la paix et reconnaisse l'indépendance du Sud
Ou encore que l'Europe, qui n'attendait qu'un signe, ne se décide à intervenir par la voie diplomatique. Car, en parallèle de « l'arme économique », c'est bien évidemment en maintenant leurs adversaires en échec que les Confédérés espéraient obtenir la reconnaissance internationale.
C'est bien dans cet esprit que s'inscrivent les campagnes de la Péninsule et des Sept Jours qui seront un des plus spectaculaires retournements de situation de toute l'histoire militaire. Confronté au débarquement des 120 000 Yankees de Mac Clellan sur la péninsule de Virginie (aux alentours de Norfolk) en mars-avril 1862, l'armée de Joseph Eggleston (« Joe ») Johnston, alors forte d'à peine 60 000 hommes, battit en retraite jusqu'à Richmond en prenant soin de ralentir au maximum l'avance nordiste. Elle leurra Mac Clellan pendant plus d'un mois à Yorktown (qui croyait faire face à plus de 200 000 soldats gris !) et mena des actions retardataires tout le long du chemin (Lee's Mill, Williamsburg).
Arrivé devant Richmond, Johnston attendit le moment propice et lança son attaque à Seven Pines le 30 mai 1862. Si l'attaque fut un échec, elle conforta Mac Clellan dans l'idée que l'armée sudiste était numériquement supérieure à la sienne. Sinon, comment aurait-elle osé prendre l'offensive ? Cette idée ne devait plus quitter le général nordiste et tout au long de la campagne, il recula devant les troupes de Lee (qui remplaça Johnston, blessé pendant l'assaut du 30 mai) qui lui assénaient coups de boutoir sur coups de boutoir lors de ce que l'on a appelé depuis lors la campagne des Sept Jours (25 juin-1 er juillet 1862). Si, sauf à Gaine's Mill, les Unionistes surent repousser chaque assaut, Mac Clellan ordonna à chaque fois la retraite, transformant un succès tactique en défaite stratégique. Richmond, menacée de tomber entre les mains de l'ennemi une semaine auparavant, était sauvée et le Sud avait repris l'avantage, relevant le moral de la population tombé au plus bas depuis l'invasion du Tennessee.
 
 
L'invincibilité de Lee ?
 
Avec ce succès stratégique l'aspect psychologique prend toute son importance. Lee, si décrié quelques semaines plus tôt pour ses échecs en Virginie Occidentale au début de la guerre, allait dès lors bénéficier d'une aura exceptionnelle tant à Richmond qu'à Washington. Tant et si bien qu'après ses victoires spectaculaires à la deuxième bataille de Manassas, Mac Clellan (encore une fois prudent) ne renouvela pas l'attaque le deuxième jour de la bataille d'Antietam alors que l'armée de Lee était au bord de la rupture. De même, après les succès sudistes de Fredericksburg et de Chancellorsville, Meade ne poursuivit pas l'armée rebelle après Gettysburg. Bien entendu, ce sont les prouesses tactiques de Lee qui expliquent les succès confédérés du printemps 1862 à l'été 1863. Néanmoins, le moral nordiste en chute libre ainsi que le mythe de l'invincibilité de Lee influaient sur la combativité des troupes en bleu et sur les décisions des généraux unionistes qui allaient souvent au combat avec le sentiment désagréable d'être vaincus d'avance. Ce mythe finira par se retourner contre Lee lui-même. A Gettysburg, persuadé que ses troupes pourraient accomplir tout ce qu'il leur demanderait, il ordonna la désastreuse charge de Pickett le troisième jour de la bataille. Mais le sentiment d'être des perpétuels vaincus ne quitta pas l'armée nordiste après Gettysburg. N'ayant pas poursuivi les rebelles alors en pleine retraite, les tuniques bleues eurent le sentiment de s'être fait « voler » leur victoire. Et lorsque Grant ordonna, après avoir été durement étrillé lors de la bataille de la Wilderness en mai 1864, de continuer la marche en direction du sud, ses troupes laissèrent éclater leur joie, persuadées jusqu'alors que cette nouvelle défaite allait entraîner une ignominieuse retraite, comme cela était leur lot depuis deux ans.
 
Une alternative : les raids

Parallèlement à la stratégie d'ensemble, Davis mit en œuvre une série de raids. Ces opérations avaient le double avantage de ne mobiliser que peu d'hommes (tout en évitant tout contact majeur avec les Fédéraux) et de paralyser pour un temps les forces d'invasion. C'est de cette manière que les efforts de Grant pour prendre Vicksburg furent retardés d'un an. En attaquant et en détruisant les dépôts nordistes, les raids de Forrest dans le Tennessee et de Van Dorn à Holly Springs immobilisèrent plus de 40 000 hommes. Ce qui eut également pour effet de porter un sérieux coup au moral nordiste et de relever celui des Sudistes.
Comme pour augmenter l'effet moral de ces raids, les Confédérés lancèrent des attaques limitées en territoire ennemi à partir de 1862 et tout au long de 1863. Morgan reste sans doute le plus célèbre de ces « raiders » qui portèrent la guerre jusque dans l'Ohio.
 
Deux écoles d'historiens s'affrontent ensuite pour savoir s'il faut ranger les offensives sudistes de l'automne 1862 et de l'été 1863 dans la catégorie des raids ou dans celle des invasions. Alors qu'il vient de sauver Richmond en repoussant Mac Clellan lors des batailles des Sept Jours et qu'il a repoussé une deuxième invasion nordiste à la deuxième bataille de Manassas en août 1862, Lee décide de porter la guerre dans le Nord, plus exactement dans le Maryland, État frontalier de la Virginie. A ceci, plusieurs raisons. Tout d'abord, cela devait permettre au Sud d'échapper temporairement aux ravages des combats. L'Armée de Virginie du Nord (ainsi symboliquement baptisée dès la prise de commandement par Lee en juin) allait pouvoir se ravitailler chez l'ennemi et profiter d'un territoire vierge de toute destruction. Ensuite, Lee espérait rallier à sa cause les habitants du Maryland, connus pour leur sympathie sudiste lors de la sécession. Enfin, en remportant une victoire contre le Nord sur son propre terrain, Lee prouverait que le Sud pouvait être dangereux même s'il ne bénéficiait pas de l'avantage procuré par la défensive. A cette époque de la guerre, le Sud était auréolé des récentes victoires remportées en Virginie. Ces triomphes avaient fait oublier, à l'opinion internationale, les revers subis par la Confédération dans l'ouest et le long du Mississippi. L'Europe semblait donc plus que jamais favorable à une médiation. Il ne manquait plus qu'une étincelle. C'est pour l'allumer que Robert Lee traversa le Potomac en septembre et envahit le Nord. Tout alla mal dès le départ. La population du Maryland se montra plus que tiède aux exhortations des Sudistes qui lui demandaient de rallier son étendard. Pire, Mac Clellan tomba sur les plans de batailles de Lee oubliés négligemment par un officier dans un campement. Malgré tout cela, Lee parvint à concentrer son armée (divisée les jours précédents, une partie, sous les ordres de Jackson, étant aller capturer l'arsenal de Harper's Ferry) et à repousser tous les assauts nordistes au cours de ce qui fut la journée la plus sanglante de la guerre, à Antietam Creek, le 17 septembre 1862. Ne pouvant recevoir de renfort et ayant en face de lui une armée, même mal commandée, de plus de deux fois sa taille, l'armée confédérée se retira en Virginie, perdant à jamais la possibilité de se voir reconnue par la Grande-Bretagne et la France. Un facteur supplémentaire allait définitivement faire disparaître cet espoir. Désespérant d'une victoire depuis des mois, Lincoln était prêt à considérer Antietam comme un succès, puisque les Sudistes avaient repassé le Potomac. Il put ainsi s'en servir pour justifier sa proclamation d'émancipation, passant, aux yeux du monde, comme le défenseur des Droits de l'Homme. Ce qui eu pour effet de rendre les gouvernements anglais et français (qui ne voulaient pas s'aliéner leurs opinions publiques respectives) plus réticents à soutenir le Sud désormais perçu comme le seul des deux camps désirant conserver l'esclavage.
 
 
La proclamation d'émancipation
En habile politique, Lincoln avait compris cela mais aussi qu'en offrant la liberté aux esclaves, il dépouillait les Sudistes d'une partie de leur force de travail (la plupart des hommes blancs étant au front, il ne leur restait donc pas grand monde). Toutefois, afin de ne pas prendre le risque de voir basculer les États frontaliers de l'Union dans le camp sudiste, il fit en sorte que cette émancipation ne concerne que les esclaves des États en rébellion à la date prévu d'entrée en vigueur de ces mesures, soit le 1 er janvier 1863. En somme, il s'agissait d'un ultimatum aux Sudistes leur disant de rentrer dans l'Union avant cette date sous peine de perdre leurs esclaves. Bien entendu, les Confédérés n'obtempérèrent pas, se demandant comment le gouvernement fédéral pouvait avoir une quelconque autorité dans des États qui ne relevaient plus de son autorité depuis bientôt deux ans !
 
 
La deuxième incursion d'importance menée dans le Nord eu lieu au même moment que l'entreprise de Lee. Elle concernait les forces de Bragg qui allèrent envahir le Kentucky pour les mêmes raisons que l'Armée de Virginie du Nord était entrée dans le Maryland. Si l'entreprise connut plus de succès à ses débuts, elle se termina de la même manière après le bataille de Perryville, livrée le 8 octobre 1862.
La dernière tentative pour porter la guerre dans le Nord eut lieu à l'été 1863. Les circonstances étaient les mêmes qu'à l'été 1862. Lee venait de remporter sa plus grande victoire en mai, à Chancellorsville. Cette fois-ci, nous le savons, il n'était plus question de reconnaissance étrangère mais bien de remporter une victoire décisive sur le sol ennemi et d'isoler Washington, forçant ainsi le cabinet de Lincoln à demander la paix.
Mais la défaite de Gettysburg vint tout remettre en question et l'armée de Lee, durement éprouvée par ces trois jours de combat, ne se remit jamais totalement de cet échec.
 
Alors que penser de ces opérations ? Il est peu probable qu'il ne se soit agit que de simples raids, même de grande ampleur, destinés tout au plus à effrayer l'ennemi et à le priver temporairement de ses ressources. En effet, n'oublions pas que les armées sudistes d'invasion ont à chaque fois engagé des effectifs importants, risquant de tout perdre. A Antietam, Lee faillit perdre la guerre et seule la pusillanimité de Mac Clellan sauva les Sudistes. A Gettysburg, l'Armée de Virginie du Nord subit une telle saignée qu'elle ne fut plus jamais le formidable instrument de combat qu'elle avait été autrefois. Certes elle remporta encore des victoires mais ne put jamais reprendre l'offensive. Elle était dès lors condamnée à une guerre d'attrition que les effectifs nordistes sans cesse grossissant la condamnait à perdre. Il s'agissait donc bien ici d'opérations à grande échelle destinées à terminer la guerre. Pour appuyer cette thèse, il suffit de comparer ces campagnes avec celle d'Early dans la Shenandoah et dans le Maryland en 1864 ou encore avec celle de Price dans le Missouri la même année.
La première fut une entreprise de diversion et ne mobilisa qu'une division. Elle réussit si bien qu'elle défit une force nordiste sous les ordres de Lew Wallace (le futur auteur de Ben Hur) à la bataille de Monocacy dans le Maryland, brûla Chambersburg en Pennsylvanie (qui avait refusé de payer pour éviter sa destruction) et menaça directement Washington en poussant l'audace jusqu'à attaquer Fort Stevens (où Lincoln, venu assister à la bataille, faillit recevoir une balle), un des bastions ceinturant la capitale nordiste. Si l'attaque, qui ne fut toutefois qu'une démonstration destinée à intimider les Yankees, échoua, elle obligea Grant à diviser ses troupes à l'appel des officiels de Washington. Enfin, en s'implantant durablement dans la vallée de la Shenandoah, l'armée d'Early assura un meilleur ravitaillement à l'armée de Lee, avant que ce dernier ne perde l'accès aux voies ferrées le reliant à l'extérieur. L'armée sudiste fut finalement chassée de la vallée par les troupes de Sheridan mais, pas avant septembre 1864. Entre temps, elle avait privé Grant d'un corps d'armée, permettant à Lee de résister jusqu'à l'année suivante. Et fin 1864, le temps jouait pour la Confédération.
 
 
Les élections de novembre 1864 ou la dernière chance des Confédérés
 
Après Gettysburg et la chute de Vicksburg en juillet 1863, qui coupa la Confédération en deux en donnant aux Nordistes le contrôle du Mississippi, les Sudistes orientèrent leur stratégie vers la seule chose qui pouvait encore leur permettre de gagner la guerre : une victoire démocrate aux élections présidentielles de novembre 1864 et la défaite de Lincoln. Si les Républicains mordaient la poussière, cela voudrait dire que le pays était las de la guerre et que le nouveau résident de la Maison Blanche devrait alors envisager de faire la paix avec le Sud et de lui accorder son indépendance.
Dès lors, toutes les armées sudistes vont s'évertuer à résister le plus longtemps possible afin que la population du Nord ne voit pas comment sortir de l'impasse et sanctionne Lincoln par la voie des urnes. Grant, nouvellement élevé au rang de général en chef des armées nordistes en mars 1864, avait décidé de mener, pour la première fois de toute la guerre, quatre offensives simultanées visant à détruire les armées confédérées. La première devait prendre le contrôle de la vallée de la Shenandoah (grenier à blé de la Confédération) et priver les troupes sudistes de leur ravitaillement. La deuxième visait l'occupation du Texas et la destruction des armées de Kirby Smith, situées à l'ouest du Mississippi. La troisième, confiée à Sherman, devait s'emparer d'Atlanta et détruire l'armée de Johnston, remis à la tête des troupes de l'ouest après la démission de Bragg (battu à Chattanooga en novembre 1863).
Enfin, la quatrième, dont il prit la direction officieuse (l'armée du Potomac étant encore aux ordres de Meade, le vainqueur de Gettysburg), devait prendre Richmond et surtout neutraliser l'armée de Virginie du Nord, sous le commandement de Lee. Grant avait compris que la perte de territoire, si elle affaiblissait la capacité guerrière de la Confédération, ne la détruisait pas et que la véritable force des Sudistes résidait dans leurs armées. Tant que celles-ci seraient capables de combattre, la guerre ne pourrait pas être gagnée. C'est donc parce qu'il avait bien compris la stratégie sudiste que Grant inaugura ce système d'attrition. Comme ce sera le cas en 1916-17 en Europe, la guerre devenait une guerre d'usure.
Tout commença très mal pour l'Union. L'offensive de la Shenandoah, menée par Sigel, général politique (c'est à dire ayant atteint ce grade grâce à ses seuls appuis) fut stoppée net par Breckinridge (ancien rival de Lincoln lors des élections de 1860) à la bataille de New Market (où les Confédérés durent même utiliser les élèves de l'Institut Militaire de Virginie qui s'illustrèrent tout particulièrement). Quant à l'invasion du Texas, via la Rivière Rouge (affluent du Rio Grande), elle ne connut pas un sort meilleur. Confrontés à une décrue soudaine du fleuve, les transports nordistes s'embourbèrent et les Sudistes n'eurent plus qu'à les tirer comme à la fête foraine.
Sherman et Grant, eux, n'étaient pas en meilleur posture puisque leurs ennemis leur échappait sans cesse, non sans les avoir rossés presque à chaque fois au préalable. Lee battit Grant aux bataille de la Wilderness, de Spotsylvania, de North Anna et de Cold Harbor entre mai et juin 1864.
Las d'effectuer de vastes mouvements tournants pour obliger Lee à rétrograder vers le Sud et se rapprocher de Richmond, Grant décida d'attaquer, tête baissée, les retranchements sudistes de Cold Harbor le 3 juin. Il perdit plus de 6 000 hommes en à peine 30 minutes ! Si la campagne était moins sanglante en Georgie, elle n'en était pas mois frustrante pour Sherman. En effet, Johnston, moins combatif que Lee certes mais tout aussi bon manœuvrier, ne se lançait à l'attaque que lorsqu'il était certain que le terrain l'avantageait. Et Sherman, las, commit la même faute que Grant le 27 juin lorsqu'il chargea les positions rebelles de Kennesaw Mountain.
 
Dans ces deux dernières campagnes où les Sudistes étaient en forte infériorité numérique, Lee et Johnston surent tous deux habilement manœuvrer en évitant un affrontement en terrain découvert qui leur aurait été défavorable, du fait de la nombreuse artillerie ennemie. Ce faisant, ils perdaient bien sûr de vastes portions de territoires mais gardaient leurs armées intactes le plus longtemps possibles et poussaient leurs adversaires à la faute. Les victoires peu coûteuses ainsi obtenues relevaient le moral des populations sudistes et faisaient chuter celui des Nordistes. Tant et si bien que trois mois après le début des offensives, Grant et Sherman se trouvaient dans une impasse, bloqués, le premier devant Petersburg et le second devant Atlanta. L'opinion nordiste était scandalisée par le peu de gain obtenu et surtout par l'énormité des pertes. La Première Dame alla même jusqu'à surnommer le général en chef « Grant le boucher ». Celui-ci, sachant bien qu'il pouvait, à la différence de Lee, remplacer ses pertes sans trop de difficultés, attaquait sans retenue.
Ce fut le président sudiste lui-même qui, n'acceptant pas de voir l'ennemi aux portes d'Atlanta, accusa Johnston (avec lequel d'ailleurs il ne s'entendit jamais) d'en être responsable et le releva de son commandement le 17 juillet pour le remplacer par John Bell Hood, ancien subordonné de Lee, connu pour sa combativité. En ne comprenant pas (ou ne voulant pas comprendre) les manœuvres de Johnston qui visaient à gagner du temps tout en demeurant invaincu et en sauvegardant Atlanta jusqu'aux élections nordistes de novembre, Davis condamna de fait la cause sudiste. Hood attaqua dès le lendemain de sa prise de fonction et renouvela ses attaques les jours suivants. Vaincu à chaque fois, il subit des pertes considérables que le Sud ne pouvait pas se permettre. Son armée, trop affaiblie pour résister plus longtemps, dut abandonner Atlanta à Sherman le 2 septembre. Au même moment, Sheridan reprenait le contrôle de la vallée de la Shenandoah, laissant enfin espérer à l'opinion nordiste une issue heureuse à la guerre et donnant ainsi aux Républicains les victoires dont ils avaient besoin pour remporter les élections.
 
Une fois Lincoln réélu triomphalement (le vote des armées est à ce sujet significatif, les soldats ayant en majorité voté Républicain, démontrant leur confiance dans l'issue du conflit), les Confédérés ne pouvaient plus que prolonger la résistance, sans trop de conviction. Les taux de désertions sudistes à partir la chute d'Atlanta sont le reflet de cet état d'esprit. C'est d'ailleurs le manque de volonté des populations à continuer la lutte qui accéléra la fin de la Confédération. Les soldats en gris continueront néanmoins à se battre jusqu'au bout et avec courage. Comme le spécifia Lee lors de son adieu à ses troupes le 10 avril 1865, ils avaient « combattu avec courage pendant quatre longues années difficiles, face à un ennemi disposant de ressources humaines et matérielles nombreuses et toujours grandissantes ».
 
Arnaud Bernard
 
Bibliographie  :
MAC PHERSON James M. La guerre de Sécession , Bouquins, 1991
CATTON Bruce, La guerre de Sécession , Fayard, 2002
FOOTE Shleby, The Civil War. A Narrative (3 tomes)
BORRIT Gabor S. Why the South lost the civil war ?

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